LE GRIMPEUR

Lié à l'écorce de l'arbre,

Le grimpeur se hisse en priant.

"Que s'ouvre, dit-il en peinant,

Le beau bourgeon vert de l'espoir !"

Texte et photo : Egon Kragel

L'ARC-EN-CIEL

Il bouche le ciel de son énormité,

l'arc-en-ciel.

Il gouverne à l'estime,

guettant l'éreintant labeur des dieux.

Ses amours, haillons tièdes,

sont plus fleuries,

plus obstinées que ses couleurs.

Texte et photo : Egon Kragel

LA BÊTE

Quelle est la bête qui, rangée des pièges, 

Et déshabitée par la peur,

Retrace l'itinéraire des ombres

Et sonde l'eau noire de nos terreurs ?

Texte et photo : Egon Kragel

CE CHEMIN...

Au rythme de l'infini,

Exténuant sans être,

Ce chemin qui mène à l'ombre des vivants.

Texte et photo : Egon Kragel 

LES COQUELICOTS DU BORD DE LOIRE

Tout le long du bassin versant 

Les coquelicots du bord de Loire

Touchés du doigt par les vents

Brûlent d'une flamme qui épargne nos mains.

Texte et photo : Egon Kragel

LA GUERRE

La guerre : une bête intarissable,

Virile dans sa sévérité.

Une volonté qu'exige la destruction,

Bravant les feux,

Sans admettre que sa folie, son irrationalité la dénoncent.

Texte et Photo : Egon Kragel

TON COEUR D'ORTIE SÈCHE

Tordu de chagrin,

Quand ton coeur d'ortie sèche

Me ronge comme un acide.

J'accueille alors le vide, le froid, l'engelure,

La blême arithmétique d'un bonheur refusé.

Texte et photo : Egon Kragel

TOURNER LE DOS AU MONDE...

Tourner le dos au monde.

Et soudain, c'est un rire plus léger à nos lèvres.

Tourner le dos au monde.

Pour être comme la pierre,

marquée d'or et de bleu.

Tourner le dos au monde.

Pour gronder d'un chant neuf,

Nourri d'un sang divin.

Texte et photo : Egon Kragel

AU COEUR DES CHOSES

C'est au coeur des choses

Que se lit l'essentiel,

L'invisible et le sacré.

Sans lasser la patience des dieux,

Fouillons l'insolence décorative des fleurs.

Texte et photo : Egon Kragel

L'OMBRE QUI PASSE...

Il suffit de son souffle sur le drap du gisant.

D'une caresse d'osselets sur la paupière des nouveau-nés.

Les morts, en soupirant, renversent alors la tête 

Pour contempler l'ombre qui passe.

Texte et photo : Egon Kragel

FANTÔME

Mon ami le fantôme,

Comme ta besogne est lourde !

Atteindre les cimes obscures

Du quotidien des hommes.

Et s'étonner d'autre chose...

Texte et photo : Egon Kragel

MARCEL SCHNEIDER

"Portons des santés à tous ceux qui sont prêts au plaisir, 

n'oublions personne, 

ni les anges du ciel ni les démons et allons rôder autour des gares, 

dans les salles des pas perdus. Il y a des péchés de gare :

soldats sans gîte, femmes désemparées, tous ceux qui sont en rupture

de quelque chose et d'eux-mêmes."

Texte : Marcel Schneider (La Nuit de longtemps)

Photo : Egon Kragel

COULEURS DU SOIR

Maître de ses feux, 

Le soir démêle nos songes.

Noces éphémères,

Berceuses périssables,

Ses mauves et ses bruns

Parfument nos mémoires...

Texte et photo : Egon Kragel

SOUFFLEZ ! MAIS SOUFFLEZ !

"Soufflez ! Mais soufflez !" dit le vent,

Semant au hasard des futaies

Les flocons féconds du printemps.

S'empourprant, serrant les poings,

Il s'épuise au labeur qu'exige le service des dieux.

Texte et photo : Egon Kragel

IL MARCHE VERS LA NUIT...

Il marche vers la nuit,

Au pas ferme des loups.

Et le ciel se renverse,

Troué d'étoiles noires.

Une lune farouche,

Chuchotant sa lumière,

Frôle l'échine du temps. 

Texte et photo : Egon Kragel

LES HARFANGS

Que savez-vous des harfangs blancs ?

De leurs rires de neige ? De leurs vols en rêvant ?

Chassés des profondeurs

Aux soupirs des toundras

Ils dansent comme des anges

Étourdis de frimas.

Texte et photo : Egon Kragel

DE CE CÔTÉ DU MONDE...

De ce côté du monde,

Où tout est ombres et reflets

Il n'est d'offense

Que le regard du passant 

Qui pense que je suis fausse.

Texte et photo : Egon Kragel

MES PÂQUES...

Photo : Egon Kragel

LE CIEL D'ÉTÉ

Prompte et silencieuse,

D'une légèreté à briser l'entrenoir,

Elle parut aux regards.  

Le ciel d'été s'allongeait alors d'une bonne mesure de bleu.

Texte et photo : Egon Kragel

JIMMY DEAN

Est-il un moyen triste d'être si sombre et beau ?

Sa majesté fondait au soleil d'Hollywood.

Ni aimée, ni toisée, sa première jeunesse

S'offre encore à nous. 

Fleurie et défleurie au rythme des hommages.

 

Texte et photo : Egon Kragel 

LE MIMOSA

Le mimosa dansait sur le front bleu du ciel.

D'un rire de patriarche,

Il secouait sa barbe d'or.

Et semait des étoiles sur la terre.

Texte et photo : Egon Kragel

PATTI SMITH

J'étais la splendeur 

qu'offrent les anges

j'étais l'aile

d'un bleu céleste

désormais je dois marcher

chaussée de lourds souliers

d'un pied de soldat

d'une valeur mortelle

liée à la terre

liée à la terre

(Wing)

Texte : Patti Smith

Photo : Egon Kragel (Paris, 21 octobre 2010)

UN BOIS QUI DORT...

Des parfums d'outre-mer. L'odeur du bois qui dort.

Au travers des feuillages, la fourche d'un soleil blanc.

Mes pas comptent les tiens sur la cendre du chemin.

Texte et photo : Egon Kragel

LE TRAIN D'UNE FAMILLE

La mère marche. Son enfant la suit.

C'est là le train du jour. 

Le train d'une famille où les joies et les peines,

Les espoirs et les haines

Chantent comme autant d'oiseaux libres.

Texte et photo : Egon Kragel

ZODIAQUE

Qu'il me parle de santé et de joie !

Et que, près de l'étoile, il mette de l'ordre 

Dans mon zodiaque aux lourdes turbulences.

Texte et photo : Egon Kragel

SAINT-JOHN PERSE

Portes ouvertes sur les sables, 

portes ouvertes sur l'exil,

Les clés aux gens du phare, et l'astre roué

vif sur la pierre du seuil :

Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre 

dans les sables...

Texte : Saint-John Perse

Photo : Egon Kragel

NOS IRRÉGULARITÉS D'EXISTER

Comment franchir l'obstacle de la foule et du bruit ?

La rue est un vivier où se répètent, se confondent et s'accomplissent

Nos irrégularités d'exister.

Texte et photo : Egon Kragel

L'IMAGE

L'image domine tout : l'ignorance, la nécessité, la vie...

Est-ce une fausse science ? Une maladie du jour ?

Ou n'est-ce qu'un bel habit que la réalité endosse pour mieux nous égarer ?

Texte et photo : Egon Kragel

ON S'APPROCHE PARFOIS DU SECRET

On s'approche parfois du secret. 

Dans la verdure d'un temple, 

Un garçon et son serpent dansent au rythme des saisons.

L'obstination du fantastique nous ramène toujours à l'enfance.

Texte et photo : Egon Kragel

LES LARMES

L'unique prose poétique des vivants : les larmes.

Les morts disposent d'autres urgences pour assurer leur souvenir.

Texte et photo : Egon Kragel

LE CRIME ABSURDE DES JOURNAUX

Le crime absurde des journaux

Orchestre une ronde où tremble l'équilibre du monde.

Cette violence d'encre noire digère ses crises.

Et colle au front comme une poussée d' extrême-onction.

Texte et photo : Egon Kragel

JE N'AI RIEN VU...

"C'est que, disait-il, la mort est un jeu !"

Nous avancions sans précaution vers elle.

Il fut le premier, sans prévenir, à fouler ce territoire d'ombres remuées.

Je n'ai rien vu. Pourtant, je surplombais l'arène.

Texte et photo : Egon Kragel

L'OMBRE FAUTIVE

Dans l'insolente attente du jour qui naît,

Le cri d'un animal glisse comme une ombre fautive.

L'univers - secouant son échine -, retrouve sa physionomie.

Texte et photo : Egon Kragel

SUR LA PLACE

Sur la place, la lumière frappe les hauts murs tristes.

L'église, sévère et silencieuse, murmure pour elle-même

Une prière pour remercier le ciel qui fait tourner les lunes et les soleils.

L'oeil se pare alors des succulences ainsi offertes.

Texte et photo : Egon Kragel

REQUIN...

On caresse ces bêtes d'eau de noms rythmés et menaçants.

Requiem ou requin.

Une symphonie nomade dont l'océan s'empare.

Texte et photo : Egon Kragel

LES PALMES

Les palmes se balancent,

Libérées de la dure pesanteur du jour.

L'été hurle sa flamme et, frotté d'ombres chaudes,

Soulève la surface de la mer.

Texte et photo : Egon Kragel

LA PLEINE EAU

Si Dieu nous refuse l'au-delà,

Nous irons d'une brasse longue

Vers la pleine eau que le ciel aiguise

Sur le fer blanchi des vagues.

Texte et photo : Egon Kragel

DIS...

Dis ce que le feu hésite à dire

Soleil de l'air, clarté qui ose.

Et meurs de l'avoir dit pour tous.

Texte : René Char

Photo : Egon Kragel

DE GLOIRE ET D'OR

Le temple de la rue aligne ses cimaises de papier.

Partout, au gré des remous de la foule,

Le buvard élimé des affiches saigne un semblant de gloire et d'or.

Texte et photo : Egon Kragel

CETTE MUSIQUE

C'est un chagrin plaisir, de fibres mystérieuses, 

Cette musique de l'au-delà des mers.

Tourmenté par un trop plein de songes, de désir,

Tout y frissonne d'une courte éternité.

Comme la danse d'un hochet au-dessus d'un berceau.

Texte et photo : Egon Kragel

L'ÉTÉ

L'été nous oblige au rire. Au jeu. À la joie.

La mer elle-même s'assigne ce but : 

Entre deux baies, elle se repose du fracas de l'hiver.

Tous les enfants le savent.

Texte et photo : Egon Kragel

SOUVENIR

"Une légende", disent-t-ils.

Au croisement des routes, l'existence menacée d'une idole.

Est-on capable de fournir, une oreille vers le ciel,

Un cri aussi brutal qu'un souvenir qui fane ?

Texte et photo : Egon Kragel

LES FANTAISIES DU JOUR

Se vêtir des fantaisies du jour,

Courtes et jaillies du gravas des penseurs.

Vivre au trot commercial des saisons.

Pour ceux-là, l'argent n'est qu'une négligence excusable.

Texte et photo : Egon Kragel

L'EAU CHANTE...

L'eau chante, 

Mordant dans un bouquet de bulles

Les rayons du soleil.

Texte et photo : Egon Kragel

LES GARGOUILLES

Les gargouilles gardent l'avantage sur les humains,

Pour ce qui a trait à la pérennité, à l'aplomb, à la sagesse

Et surtout à cette puissance grotesque que nous convoitons tant.

Texte et photo : Egon Kragel

LA COURBE DES FLEURS

Émerge le feuillage

D'une ombre qui l'avait alourdi.

La main blonde d'une palme

Caresse les dalles d'une tombe grise.

La longue patience du jour se lit dans la courbe des fleurs.

Texte et photo : Egon Kragel

CLAUDE SEIGNOLLE ET JEAN GIONO

13 heures 30. Échange téléphonique aujourd’hui avec le toujours passionnant Claude Seignolle, écrivain plus que jamais nécessaire et brocanteur du fantastique.

CLAUDE SEIGNOLLE :
« Vous ai-je raconté Egon que j’ai connu Jean Giono ? J’ai pu passer 8 jours avec lui pour une raison plutôt cocasse. Au début, ce n’est pas vraiment moi qui l’intéressait, c’était Micheline, mon amie de l’époque. Mais laissez-moi vous raconter une petite histoire. Un jour, nous nous promenions dans une voiture à cheval sur le plateau de Valensole. C’est Giono qui tenait les rênes, assis à côté de Micheline. Moi j’étais installé derrière, les jambes pendant dans le vide. Les nombreux chaos de la route ont finit par éprouver nos vessies. Giono a alors stoppé la voiture en disant : "Il faut que je lâche de l’eau". Ça tombait bien, moi aussi, je ressentais une envie pressante. Nous nous sommes retrouvés ainsi, Giono et moi, côte à côte, face à une haie provençale, en train de pisser. Soulagés, nous avions à peine remonté nos braguettes qu’un bruit soudain de feuilles remuées a attiré notre attention. Nous nous sommes approchés pour voir. Une énorme couleuvre a alors surgi de la haie ! vous savez ces couleuvres de Montpellier longues comme deux bras et en leur milieu aussi épaisses qu’une baguette de bon pain français. Comme l’éclair, elle est passée entre Giono et moi et a filé sans demander son reste. Je peux vous dire qu’elle nous a flanqué une de ces frousses ! Là Giono a levé la tête, m’a regardé et m’a dit : "Tu vois, les dieux anciens ne sont pas tous morts !". Un moment inoubliable. »

Texte et photo : Egon Kragel

LES BALEINES

Vêtues de vagues et de saisons lacustres,

Les baleines portent, au seuil de notre monde, un rêve imprononçable,

Si singulier, si difficile à nommer,

Que l'on doute qu'il puisse exister.

Texte et photo : Egon Kragel

LA MATIÈRE...

L'espace non euclidien. La lumière zodiacale. Les produits scalaires.

La matière triomphe.
Comme un enfant, toujours actif, négociant avec les vents et les courants dominants.
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Texte et photo : Egon Kragel

Illustration : Pierre Joubert

UN PURGATOIRE DE VERRE

Un regard que la lumière efface.

À force de scruter l'asphalte. Le flot anémique des passants.

Une scandaleuse résignation. Celle d'une vitrine. 

Un purgatoire de verre. Un mystère dénué de secrets.

Texte et photo : Egon Kragel